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24 novembre 2006

Laetitia Hallyday, les Choristes et l'avenir de la civilisation

Je suis désolé. Il m'a fallu du temps. Presque une semaine. Pour digérer. Comprendre. Absorber le choc. C'était samedi. Samedi soir. Le 18 novembre 2006. J'ai zappé sur les 500 Choristes. Sur TF1. Je précise que je ne regardais pas cette émission, je suivais une Théma sur M6, pardon, sur Arte consacrée aux trésors de la civilisation précolombienne retrouvés récemment au Monténegro où aux trésors de la civilisation monténégrine retrouvés récemment en Précolombie. Sais plus... Donc, pendant les pubs entre les 24 épisodes de Charmed et les 18 rediffusions de Dead Zone -enfin je suppose, que c'était les pubs, je suis pas sûr, je regardais Arte, d'ailleurs, ordinairement, je ne regarde pas la télé le samedi soir, je pratique des sports extrêmes, je distribue des repas chauds avec les restos du cœur ou je travaille à ma biographie non-autorisée de Leibniz à paraître chez Michel Lafon- je disais donc que j'ai zappé sur TF1, ou plutôt mon doigt a malencontreusement dérapé sur le bouton de la première chaîne.
Comment décrire ce que j'ai vu ? Comment trouver les mots ? Passons sur les 500 choristes proprement dits dont l'utilité m'est apparue assez énigmatique étant donné que, même filmés en gros plan, ils ne se donnaient pas la peine de faire semblant de chanter quoique certains, peut être mieux payés que les autres ou dotés d'une conscience professionnelle à toute épreuve, ouvrissent(1) la bouche rythmiquement à la façon d'une truite qui vit ses derniers instants sur la rive boueuse d'une rivère asséchée sans que cette activité labiale, bien que méritoire, eût été(2) à aucun moment susceptible de produire un son articulé. À leur décharge, ils devaient exécuter une chorégraphie complexe -sans doute conçue par une Mia Frey en légère baisse de forme depuis qu'elle est plongée dans un coma éthylique irréversible- qui consistait à s'appuyer d'une hanche sur l'autre en essayant de claquer des doigts, un peu comme ces ados mal à l'aise avec des grosses lunettes, de l'acné et un pull à losanges quand ils s'efforcent d'avoir l'air "cool" à la teuf où ils ont été, pour une fois, invités, mais qui ne parviennent pas à oublier qu'ils ne sont là que pour servir de souffre-douleur aux petites pestes avec le string qui dépasse et de faire-valoir au belâtre de la classe qui se prend pour une caillera malgré son père proctologue et sa mère journaliste à Femina Hebdo (et aussi, pendant que j'y pense, de témoins de moralité destinés à rassurer les parents inquiets : "Tu n'invites pas n'importe qui, hein ?" "Mais non maman : y'aura Pierre-Henry, tu sais, celui qui s'occupe du club d'échecs au bahut"), qui rendait cet exploit sans doute impossible. (L'exploit de chanter et de danser en même temps, au cas où vous auriez oublié le début de cette phrase un tantinet digressive, je le reconnais volontiers.) Mais passons. Passons encore sur Bob Sinclar qui faisait l'avion derrière sa fausse platine de DJ au milieu des 500 handicapés psycho-moteurs et dont les yeux brillaient comme s'il voyait passer devant lui tous les paquets de fric qu'il récolte en recyclant joyeusement de vieilles merdes des années 80 pour en faire de futures vieilles merdes des années 2000 qu'il recyclera joyeusement dans les années 2010 et ainsi de suite pendant les siècles des siècles.
Mais ne passons pas sur Laetitia Hallyday. Personne ne peut passer sur Laetitia Hallyday. Toutes les lois humaines et divines interdisent de passer sur Laetitia Hallyday. Croyez moi ou non, je n'avais jamais vu cette... cette quoi ? Je n'avais jamais vu ÇA en action. Je ne l'avais jamais entendue parler. Je ne savais pas. Je ne pouvais pas savoir. Désormais, je sais.
Laetitia Hallyday est ambassadrice de l'Unicef. Je n'aime pas beaucoup les enfants mais tout de même. Pourquoi pas Emile Louis membre d'honneur de Ni pute ni soumise ? Mais la comparaison n'est pas pertinente. Contrairement à Emile Louis, il est clair que Laetitia Hallyday ne ferait pas de mal à une mouche. Du moins, volontairement. D'ailleurs, aucune mouche ne serait assez stupide pour l'approcher. La dernière a avoir essayé a prévenu ses collegues : "Yo, Sisters ! Suis passé à côté d'un truc...! Dingue de chez dingue ! Ça ressemblait à un pot de confiture mais en plus bête. Tellement bête que ça fout les foies. " Cette mouche n'avait pas tort mais elle était encore en dessous de la vérité. En voyant et en entendant Laetitia Halliday parler, on est saisi d'une épouvante quasi-lovecraftienne. On est face à l'indicible, l'innommable, l'inconcevable, une sorte de pornographie, mieux, de snuff-movie de la bêtise. Je crois qu'elle était là pour inciter les gens à donner de l'argent pour les chtizenfantsquontbindumalheur. J'ai pas très bien compris. Peut-être que c'était une menace : "Envoyez du fric ou on lache Laetitia Hallyday sur les mioches. Ha, ha, ha, ha, ha... !" (rire sardonique de Le Lay dont l'écho disparaît dans le lointain, par delà les montagnes des Carpathes...).
Sur la fin, au moment où j'ai pris l'émission, elle devait se lancer dans un petit speech... Je regrette : je n'ai pas noté ce qu'elle disait avec sa bouche. Je pensais que ça resterait gravé dans ma mémoire comme ces scènes traumatiques qu'ont revit avec une précision photographique. Mais non. C'était trop. Un mécanisme de survie psychologique a dû se déclencher quelque part dans mon cerveau et j'ai tout oublié ou seulement refoulé, je le crains. Je crois que ça parlait de guerre, de paix, d'amour, de générosité et d'enfants qui souffrent. Je me souviens juste de l'expression de Flavie Flament qui l'observait au moment où ÇA se lançait dans son discours tel un lemming qui s'élance dans le vide, avec une sorte d'insouciance morbide, de placidité sinistre. Oui ! Même Flavie Flament, dont la puissance cérébrale n'excède que modérément celle de l'huître moyenne observait sa co-présentatrice d'un air inquiet comme face à un jeu de Patatras prêt à s'effondrer.
Mais non. Flavie Flament avait tort de s'inquiéter. Laetitia Hallyday ne s'est pas effondrée. Laetitia Hallyday ne s'effondre pas. Laetitia Hallyday ne s'effondrera jamais. Il faudrait que quelque tumulte se produise dans les eaux profondes de ce lac de niaiserie qui clapote doucement à l'intérieur de sa boîte crânienne afin qu'une brume vienne assombrir un instant la surface lisse de ce visage aux grands yeux bleus embués, semblables à ceux d'une amibe (3). Et ça, c'est impossible.
Je crois que c'est au moment où je me disais ça, à l'instant précis où je prononçais dans ma tête le mot "impossible", qu'en moi la Révélation s'est faite. Oui ! En vérité je vous le dis, les écailles me sont tombées des yeux dans un fracas de tuiles arrachées par la tempête.
Laetita Hallyday, c'est l'omphalos de Delphes, le centre mystique du monde, le point vers lequel tout converge, le cœur bête de notre bête civilisation, sa métaphore incarnée, le prisme unique par lequel tout s'éclaire, le Grand Code, la Nouvelle Eve façonnée à partir d'une côte de Johnny. Bref, un truc super important.
D'ailleurs j'ai bien passé deux heures à écrire sur cette gourde.
Comme si j'avais que ça à foutre.

(1) et (2) : je milite pour la réintroduction du subjonctif dans la langue françaises sous toutes ses formes, n'importe comment et n'importe où. Et merde à la concordance des temps !

(3)Je ne suis pas certain que les amibes aient des yeux mais je sais que les amibes de mes amibes sont mes amibes.

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